AMÉRIQUE PRÉCOLOMBIENNE (archéologie et art) - Archéologie préhistorique des États-Unis

AMÉRIQUE PRÉCOLOMBIENNE (archéologie et art) - Archéologie préhistorique des États-Unis
AMÉRIQUE PRÉCOLOMBIENNE (archéologie et art) - Archéologie préhistorique des États-Unis

ES ORIGINES AUX PREMIERS VILLAGES

Les États-Unis d’Amérique n’ont pas l’éclat des hautes civilisations qui caractérisent la Mésoamérique et l’Amérique du Sud. Leur préhistoire, naturellement liée à celle du territoire canadien, reste encore mal connue, même si elle est l’objet d’un renouveau d’intérêt suscité en particulier par les diverses revendications des «nations» indiennes. Un nombre infini d’objets archéologiques, de contextes, d’interprétations tente d’élucider les questions soulevées par l’ancienneté de l’homme dans le Nouveau Monde, les modalités de sa dispersion, la multiplicité de ses avatars culturels en relation avec les milieux physiques fortement contrastés qu’il a colonisés (Porter, 1988).

Ces questions, repérées dès les sagas nordiques des IXe et Xe siècles, relancées à partir du premier sondage archéologique, effectué en Virginie par Thomas Jefferson en 1782, alimenteront longtemps une tradition normative et savante s’efforçant d’éclaircir des problèmes d’ordre général (technologie lithique, céramique, histoire des subsistances paléo-indiennes) et des problèmes particuliers: l’Indien actuel est-il bien le descendant des moundbuilders (constructeurs de tumuli )? Pourquoi l’apparente soudaineté de la disparition des grands mammifères du Pléistocène?

Ce double aspect de la recherche reflète le développement de l’intérêt des amateurs d’«antiquités», des savants, pour une histoire régionale des États-Unis, ainsi que celui de leur perception de ce pays comme une mosaïque de grandes aires culturelles aux dynamismes différentiels. Les trouvailles archéologiques n’ont été confrontées entre elles que vers les années trente.

Depuis lors, réseaux d’observations, collectes d’informations, programmes de recherches restent hétérogènes, tributaires qu’ils sont de décisions prises aux niveaux tant fédéral que régional et local, ou dépendant d’un mécénat original (individus, collectivités, sociétés savantes, etc.): la Nouvelle Archéologie (Nouvelle Arch.), formée au cours des années soixante en liaison avec le développement du traitement automatisé des données, a polarisé autour de concepts plusieurs fois remodelés depuis lors les questions concernant l’«américanité» de la préhistoire du Nouveau Monde et de ses grands thèmes.

Le peuplement du Nouveau Monde

De caractère fortuit, les témoignages dispersés de la présence ancienne de l’homme en Amérique proviennent autant de la Californie méridionale, de la Pennsylvanie et du Texas que de l’Alaska. Les méthodes de datation affinées et multipliées projettent sur les échantillons auxquels on les applique les controverses dont parfois elles sont elles-mêmes l’objet. Il est aussi difficile de prétendre qu’on ne peut pas «scientifiquement» franchir la barrière du XIIe millénaire de la Tradition Clovis, si amplement représentée, que d’avancer des dates très anciennes: 70 000, voire 135 000, voire 200 000, ce qui ferait d’un presapiens émigré l’ancêtre des Américains...

On n’écarte plus l’idée d’une circulation active à travers la Béringie des faunes variées du Pléistocène et de leurs principaux prédateurs – Eurasiatiques nomadisants, susceptibles de se déplacer vers les Grandes Plaines par l’Alaska, avant que la coalescence des grands glaciers (Rocheuses, Laurentides) n’en interdise l’accès. On maintient l’hypothèse de la voie, sous-explorée, de la vallée du Mackenzie et celle, toujours mal connue, de la grande faille des Rocheuses, mais on peut aujourd’hui reprendre celle des navigations littorales du Pacifique nord. La préhistoire de l’Amérique du Nord devra à l’avenir compter avec le développement d’une archéologie subaquatique – souvent liée à la recherche, à l’inventaire et à la sauvegarde d’un «patrimoine culturel submergé»: la notion d’une Amérique maritime et insulaire reste à préciser.

Les oscillations de la quatrième glaciation (Wisconsin) et la succession de leurs incidences bioclimatiques ont marqué le milieu naturel et les modes de subsistance des Paléo-Indiens. Daté de 8800 environ, un filet de chasse suggérant un gibier de taille moyenne – antilope? (site Sheep Mountain, Wyoming, 1986) – montre une diversification certaine dans l’exploitation des ressources naturelles et témoigne que les Paléo-Indiens n’étaient pas aussi dépendants qu’on a pu le croire des grands mammifères du Pléistocène. Après la disparition de ceux-ci (Xe millénaire), des populations semi-sédentaires à faible densité s’implantent désormais dans un environnement aux ressources animales et végétales plus variées et plus prévisibles. Les grandes régions naturelles du pays acquièrent à ce moment-là une physionomie dont les traits caractéristiques seront notés dès le XVIIe siècle par les premiers colons européens. Pionniers, missionnaires, amateurs éclairés signalent les tumuli de la vallée du Mississippi ou les associations de vestiges osseux humains et de restes d’animaux disparus observées dès 1838 dans le Missouri; on s’attachera à mieux localiser et décrire ces trouvailles, garantes d’une certaine continuité dans l’occupation du territoire par ces «nations» dont on combattait encore les héritiers en 1890 et qui s’efforcent aujourd’hui d’institutionnaliser leurs réclamations et d’obtenir la reconnaissance de leur identité tribale et la redéfinition de leurs droits territoriaux.

États des connaissances: l’homme américain

La paléodémographie s’intéresse depuis peu aux modalités de développement de l’homme américain des 40 000 dernières années (Pléistocène et Holocène ancien). De ses activités de prédateur comme de producteur de ses moyens de subsistance, il reste des témoignages nombreux, variés et datés (cf. tableau): environ trente gisements archéologiques, deux mille artefacts d’os ou de pierre éclatés que le carbone 14 situe avant le XIIe millénaire; ces repères chronologiques anciens constituent aussi des jalons qui, au cours des déplacements de populations, ont marqué diversement les espaces occupés.

Le Grand Nord

Élément nord-américain des domaines arctique et subarctique, l’Alaska offre environ treize gisements archéologiques et paléontologiques (cf. tableau) ne présentant, toutefois, qu’un reflet partiel des activités de chasseurs-pêcheurs qui utilisaient des matières premières variées (os, ivoire, quartz, obsidienne, ardoise) et dépendaient principalement de la capture des grands mammifères marins (baleine, phoque, morse) et terrestres (mammouth, bison, caribou et autres cervidés). Ces populations dont nous ignorons les formes de groupement s’étaient déjà accommodées du ramassage des plantes et de l’acquisition d’un gibier de moindre taille. Les traces les plus anciennes de leur présence sont liées à l’incertaine Tradition des British Mountains et à un outillage sur éclats, daté d’environ 20 000 ans.

Jusque vers les années trente, la connaissance du Grand Nord – celle de son passé – se présentait comme un sous-produit des expéditions d’exploration, de la chasse à la baleine et des études ethnographiques du siècle dernier. Aléoutes, Esquimaux, Athapascans continuent à susciter l’intérêt des organismes gouvernementaux, et les travaux de Diamond Jenness à inspirer les anthropologues. On reste tributaire des idées reprises par Giddings pendant les années soixante: à partir d’une Béringie perçue comme une extension géographique et culturelle de l’Asie (vers la fin du Pléistocène), on peut suivre la distribution de «traits» circumpolaires dans un rayon qui atteindrait les territoires canadiens comme ceux de la Sibérie orientale. On peut renforcer la notion d’un Paléoarctique généralisé et en déceler (gisement de Point Barrow, sites de l’Utukok, phase Akmak datée de 8 000 ans environ, par exemple) un aspect américain élargi, intégrant les influences d’un Paléolithique supérieur de l’est du continent asiatique et du Japon. La zone arctique aux lignes côtières fluctuantes et glacées, les toundras dénudées auraient constitué l’habitat des Paléo-Esquimaux-Aléoutes; la zone subarctique à forêts de conifères, celui des Paléo-Indiens – des groupes protomongoloïdes leur ayant fourni, aux uns et aux autres, des ancêtres communs. Des trouvailles archéologiques de l’intérieur de l’Alaska indiquent, entre 8000 et 2000 environ, des activités d’échanges intenses avec la côte. Le site d’Onion Portage, de par sa position au contact des deux grandes zones écologiques, est particulièrement révélateur à cet égard. Mais, d’un point de vue général, parmi les plus anciennes données marquant l’occupation de l’Alaska, celles que révèlent le «Complexe Driftwood Creek» dans le nord du territoire (gisements de surface où l’on a trouvé des préformes de pointes de trait – produits semi-finis – et, en fouilles, des pointes à cannelures) remontent à plus de 13 000 ans avant J.-C. Ces ensembles évoquent le «Complexe Plano» défini plus au sud. Quant au site de Trail Creek, dans le nord-ouest de la péninsule, il a livré des vestiges osseux portant des traces de décarnisation (11 000 ans av. J.-C. environ); les sites Healy Lake, Garden, Village ont environ 10 000 ans, tandis qu’une industrie lithique aléoutienne nucleus-éclat , d’environ 8 000 ans, annoncerait une tradition culturelle esquimau; celle-ci aurait retenu par ailleurs, à la fin du IVe millénaire, quelques influences d’une industrie nommée microlithes de l’Arctique : des grattoirs, des couteaux sur lames et lamelles, des bifaces aux retouches délicates, des pointes, des burins notables par leur petite taille et la forme rectangulaire des nuclei . Leurs utilisateurs chassaient le caribou, le bison, l’élan. On a réduit sous la dénomination Kayuk-Ipiutak des données complexes en provenance des Brook Ranges et de leurs environs, qui s’échelonnent sur près de 10 000 ans. L’opposition d’un mode d’exploitation «côte-toundra-Cape Denbigh» à un mode «zone boréale-Campus-Fort Liard» révèle, de par la présence dans les deux cas d’une panoplie comportant burins, outils sur nuclei et sur éclats, la nécessité de critères techno-écologiques plus précis.

Les vestiges matériels des Esquimaux du Ier millénaire avant notre ère semblent avoir été précédés, dans le Grand Nord, par des artefacts caractéristiques d’un aspect nord-occidental de la Tradition Microlithes de l’Arctique (cf. supra ). Dans la zone subarctique occidentale, la Tradition Denetasiro (chasse, pêche, piégeage en forêt) est attribuée aux groupes athapasques, aux campements saisonniers datant de près de 4 000 ans.

Les Grandes Plaines

Les notions d’uniformité culturelle et de continuité naguère invoquées pour décrire les Grandes Plaines, ces vastes prairies herbeuses qui couvrent aussi, partiellement, le Canada et qui s’étendent avec quelques accidents de relief jusqu’au Texas, devront être nuancées. La chasse intensive du bison, du buffle (grandes pointes de jet lancéolées Scottsbluff et Eden) et la capture de petits herbivores s’y sont maintenues pendant 8 000 ans environ, surtout dans le Wyoming et dans le Montana. À cette Tradition Paléo-Indienne succède, en fonction des modifications bioclimatiques qui marquent le début de l’Holocène, une Tradition Archaïque qui remplace la chasse des grands mammifères disparus par la capture d’animaux plus petits et intensifie le ramassage, la cueillette et la pêche. Curieusement, l’arc et la flèche feront une entrée tardive, vers le VIe siècle de notre ère, en provenance sans doute des régions subarctiques; dans les régions boisées, c’est la Tradition Woodlands qui, jusque vers 1000 après J.-C., prend le relais, avant qu’horticulture et agriculture sur berges inondées (outillage en os) ne conforment la Tradition Village des Plaines, qui durera jusqu’au XIXe siècle, avec un retour en force des activités de chasse au moment de l’introduction du cheval européen (début du XVIIIe siècle).

La périphérie nord-orientale des Grandes Plaines reste archéologiquement mal définie, alors que dans leur partie méridionale on a identifié les éléments de l’Archaïque (sites d’abattage d’animaux surpassant en nombre les campements de chasseurs semi-sédentaires), et de nombreux témoignages d’une époque plus tardive, en particulier l’influence mésoaméricaine qui marquera la céramique de l’Oklahoma. Les zones périphériques nord-occidentales constituèrent un centre de chasse communautaire du buffle, avant qu’un altithermal sec n’en chasse les habitants il y a environ 5 000 ans. On y signale des constructions circulaires de pierres, isolées ou groupées par centaines, dont on ignore encore la signification.

Le Sud-Ouest et le Grand Bassin

Bénéficiant, comme la Mésoamérique, de conditions favorables au développement de civilisations agricoles, la Tradition Cultures du Désert est marquée dans le Grand Bassin (Nevada, Utah) par des pierres à moudre, des restes végétaux alimentaires et divers artefacts faits de matières premières périssables, que la sécheresse du climat a préservés, tels que paniers, sandales, cordes, nattes, etc. Elle a succédé à une Tradition Cordillérienne ancienne, comportant des vestiges lithiques liés à la chasse, qui remontent à 11 000 ans. Dans le Sud-Ouest proprement dit (cf. cartes), du VIIIe millénaire jusqu’au Ier siècle avant J.-C., la cueillette et le ramassage des plantes l’emportent sur la capture des animaux, activité d’appoint.

Pendant sa Période Cochise (7000 à 3000 avant J.-C.) s’instaure dans le Sud-Ouest une agriculture d’origine mésoaméricaine, dont témoigne un maïs primitif découvert en 1948 (grotte de Bat Cave, NouveauMexique) et dont les pratiques conserveront un caractère rudimentaire jusqu’au Ier siècle de notre ère chez les Anasazi («faiseurs de paniers»). Aux Anasazi, vivant au rythme de leur semi-nomadisme dans les grottes des canyons, venus tard à la céramique, mais vanniers habiles, succèdent, à partir du VIIe siècle, les Pueblo, qui ajouteront à la culture du maïs celles du haricot, du piment et du coton et développeront d’importantes techniques d’irrigation. Occupant des villages construits en dur ou vivant en troglodytes dans les falaises, leur habitat groupé témoigne d’une vie communautaire très structurée; vers le XIIIe siècle, ils se répandent vers les vallées du Rio Grande, où les ruines de leurs installations intrigueront les premiers colons européens.

L’est des États-Unis

C’est dans les zones forestières et dans les grandes vallées fluviales du Nord-Est qu’a été définie, pour la première fois, la Tradition Archaïque (cf. supra , passim ). À ses ressources habituelles s’ajoutent, dans ces régions, le riz sauvage et la sève des érables. Dans des grottes, des amas coquilliers, des inhumations intentionnelles, on trouve fragments de propulseurs, pointes de jet pédonculées à corps élargi d’ailerons, pierres à moudre, herminettes et haches de pierre polie liées au travail du bois (construction d’habitations, de bateaux, etc.). Certains de ces documents, remontant à 7 000 ans environ, sont dispersés depuis la Floride jusqu’au Sud-Est canadien et de la côte atlantique aux Grandes Plaines, où ils entrent dans la composition de «formations de transition» encore peu étudiées.

À l’origine de l’Archaïque, dont certains caractères se maintiendront jusqu’à l’arrivée des Européens (pratiques agricoles, techniques d’irrigation, instruments de mouture en pierre), on pose soit les pratiques modifiées des chasseurs de gros gibier, soit, beaucoup plus ancien, un «horizon pré-projectile» – héritage possible de groupes eurasiatiques. L’étude de gisements à stratigraphie profonde devrait permettre de préciser cet arrière-fond, notamment grâce aux informations, désormais plus accessibles, provenant des travaux chinois et soviétiques.

Les Woodlands

Ces régions (cf. carte) offrent un tableau chronologique peu précis: sites paléo-indiens non stratifiés, division tripartite de la Période archaïque en inférieur, moyen et supérieur peu illustrée, typologie, principalement céramique, reflétant celle du Sud-Ouest. Toutefois, entre les vallées du Mississippi, de l’Ohio, les Appalaches et le sud des Grands Lacs, l’existence d’un vaste système de tumuli tronconiques a suscité une tentative de classification fonctionnelle et chronologique: Burial Mounds I et II , tertres funéraires, et Temple Mounds I et II , tertres cérémoniels, pour une période qui va de 1000 avant J.-C. à 1700 après J.-C., mais un vaste réseau d’échanges commerciaux et d’activités guerrières entre les tribus brouille la trace des marqueurs culturels. La culture de différents maïs, de courges, de haricots s’ajoute à celle du tournesol: les pratiques agricoles mexicaines s’étaient diffusées, depuis 1000 avant J.-C., jusqu’à la limite climatique favorable, au sud des Grands Lacs et de la baie du Saint-Laurent.

Dans l’ouest des Woodlands, une seconde vague d’influence mésoaméricaine marquera au VIIe siècle de notre ère la céramique des moyennes et basses vallées du Mississippi. Centres cérémoniels, enceintes fortifiées, agglomérations proto-urbaines, villages (on en a trouvé environ 10 000) suggèrent une société complexe. Cette Tradition Mississippi s’affaiblira vers le XIIe siècle; les récits des voyageurs européens évoqueront la survivance, chez les Iroquois, les Algonquins et les Natchez, de traits associés à ce passé grandiose.

La Californie

Les nouvelles méthodes de datation (cf. infra ) reposent la question de l’ancienneté de la présence humaine en Californie. Toutefois, pendant 10 000 ans, des bandes nomadisant à travers la péninsule donneront à la culture du Désert un aspect côtier et insulaire par leurs techniques de subsistance (ramassage de coquillages, cueillette, chasse de faunes marine et terrestre).

Depuis sa plus ancienne manifestation jusqu’à la Conquête, le développement des régions littorales et des vallées avoisinantes s’organise en trois périodes: de 5000 à 2000 avant J.-C., de 2000 avant J.-C. à 250 après et de 250 à la Conquête. La population utilise de plus en plus les ressources de l’environnement maritime (sites de Santa Barbara, baie de San Francisco) et se stabilise en campements semi-sédentaires, très isolés les uns des autres; à noter, l’industrie sur coquillage, sur pierre polie et le remplacement du propulseur par l’arc et la flèche. Les artefacts «exposés» par le climat de l’Est californien sur un pavage désertique rappellent ceux qui apparaissent dans certaines tranchées de sondage, associés de façon troublante à des restes d’animaux disparus et à des vestiges humains.

Dans l’extrême nord de la Californie (cf. carte), les fleuves et les rivières, poissonneux, permettaient à la population d’ajouter des ressources régulières et différentes (saumon) à une alimentation à base de gibier. Curieusement, les découvertes de Los Angeles Man, d’Harlington Spring Man ne relèvent pas de la culture du Désert, pas plus que celles de Borax Lake, des «plages» de Mohave Lake (datant du XIe millénaire et comportant outils sur éclats et pointes pédonculées), moins encore celles de Tulare Lake avec ses pointes de jet à cannelures. On propose plutôt pour ces sites une protoculture du Désert, dans laquelle prédominent des traits paléo-indiens (pointes foliacées diverses, propres au Cordillérien ancien). Vers le sud, l’influence des cultures des Grandes Plaines est sensible et la culture du Désert, naturellement, se prolonge au-delà de la frontière actuelle du Mexique. Cette frontière correspond à peu près à la frange septentrionale de la Mésoamérique, dont on a souligné quelques influences dans certaines régions nord-américaines.

Recherches et travaux depuis 1980

Le bilan des travaux archéologiques de la dernière décennie reflète, autour des grandes questions traditionnelles de l’américanisme (peuplement, «barrière Clovis», disparition «soudaine» des grands mammifères), une réorganisation des priorités de la recherche, qui tendent à préciser les contextes de l’activité de l’homme américain pendant le Pléistocène et l’Holocène initial – XIe-XIIe millénaire – par la reprise de l’exploitation de grands gisements stratifiés (abri Meadowcroft, Pennsylvanie; Hell Gap, Wyoming), la «relecture» – complétée par celle des collections muséographiques – des interprétations qu’ils ont suscitées, la mise au point et la tentative d’harmonisation, sous l’égide du C.R.M. (Cultural Resource Management , 1986), entre autres, du contenu d’innombrables bases de données et de «dépôts documentaires» en cours d’inventaire. Autour des neuf lois fédérales émises entre 1906 et 1979, protégeant un patrimoine naturel et culturel dont, curieusement, il n’existe aucune définition légale au niveau national, se sont multipliées des dispositions locales hétérogènes. L’association entre travaux publics et archéologie (potentiel imprévisible des transepts choisis) et les projets des universités régionalisent et déplacent l’intérêt vers les témoignages datables du comportement de l’homme préhistorique (Frison, 1988). L’approche pluridisciplinaire demande de plus en plus le renouvellement et l’affinement des techniques de laboratoire: réévaluation de la fiabilité de l’archéométrie (datation par le carbone 14, cf. Colloque sur l’International Radiocarbon Data Base [I.R.D.B.], univ. Yale, 1988); réinterprétation de profils palynologiques (Butzer, 1991); développement de la phytologie; étude microscopique d’artefacts lithiques: l’analyse du sang résiduel ou d’autres traces protéiniques révélant l’identité de l’espèce dont ils proviennent (univer. de Pittsburgh, 1988). La tracéologie examine sur les outils les microtraces laissées par leur utilisation ou leur fabrication, et les compare à celles que produit la taille expérimentale du silex. Au niveau moléculaire, on tente d’élucider la filiation génétique des Amérindiens, suggérant, par ailleurs, un Homo sapiens «jeune»: 200 000 ans (univ. de Berkeley) [Wallace], 1991. Sur des ossements fossiles modifiés, l’analyse taphonomique identifie l’intervention humaine. Des réponses de l’homme aux changements bioclimatiques de la fin du Pléistocène, de ses stratégies de subsistance, on a cherché l’explication dans des modèles ethnoarchéologiques: Gardner (1991) relève douze manières, pour un groupe de chasseurs-cueilleurs (foragers ), d’atteindre à une certaine flexibilité, une «individualité» dans le repérage, l’acquisition et l’aménagement de ses ressources (syndrome d’autonomie). Nous voyons là l’amorce d’une «typologie des modes de mobilité anciens», à l’image d’une «typologie des sites» en net développement. Certaines configurations («campements épisodiques», par exemple) suggèrent l’émergence d’un phénomène de territorialité (Nelken-Terner, 1989), associable à un phénomène de «stockage» d’aliments carnés, particulièrement illustré dans les Grandes Plaines – Arroyo Situation : bisons piégés, abattus puis abandonnés, peu avant l’hiver, près de leurs points d’eau où, congelés, ils constitueront des réserves (site Colby, Wyoming, 1986); dans les Woodlands, les mastodontes abattus et décarnisés sont enfouis dans le permafrost – glacière naturelle – (Mud Lake) et des «caches à viande» (site Heisler, 1986) conservent des mammouths lestés de pierres sous l’eau congelée des lacs ou des marécages. Des sites d’abattage (Mill Iron, Montana, 1987) exposent des nappes d’os de bisons datés d’environ 12 000 ans; celui de Kimswick (Wisconsin) ajoute la chair de mammouth aux réserves alimentaires habituelles des Paléo-Indiens; le pemmican (viande séchée, dont un bison fournit environ 25 kg) facilite la «soudure». Les dénominations de Paleoindian Winter Model (Frison) et de Insurance Caches (Binford) dénotent une dimension confirmée de prévision économique. L’association faune éteinte-homme fonde encore le débat sur l’existence d’«enclaves culturelle pré-Clovis», alimenté par l’exploitation poursuivie des grands gisements cités plus haut, relancé par des données sud-américaines (plus de 30 000 ans à Pedra Furada, Brésil) ou des découvertes nord-américaines: l’équipe MacNeish date de plus de 24 000 ans un site du Nouveau-Mexique (Pendejo Cave, 1989). Quant aux peintures et gravures rupestres, elles pourraient être antérieures à la «Période archaïque»; les configurations régionales et les «traditions» de celle-ci, mises en place à travers le territoire à partir du Xe millénaire, s’enrichissent, dans les franges littorales du Pacifique (San Diego-Campus, il y a 9 200 ans) et de l’Atlantique-Caraïbe (site Page-Ladson, Floride, de 10 000 à 500 av. J.-C.), grâce aux progrès d’une archéologie subaquatique plus scientifiquement maîtrisée.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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